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Page:Duvernet - Les dévotions de Mme de Bethzamooth ; La retraite de la marquise de Montcornillon, 1913.djvu/36

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LES DÉVOTIONS DE Mme DE BETHZAMOOTH


sa terre, où, au grand scandale des gens de bien, les dimanches et les fêtes il fait danser les garçons et les filles du village. Son inconduite m’a donné pour lui une aversion étonnante, et lorsque vous m’annoncez qu’il naîtra de moi quelque chose de merveilleux, je vous avoue que je ne sais pas comment cela se fera ; mais ce ne sera certainement pas avec lui : il n’en pourrait naître qu’un enfant de perdition, un fils semblable au père. Dieu me préserve de ce malheur.

— Vous êtes, Madame, lui répond M. de Saint-Ognon, vous êtes une femme forte ; vous seule valez une armée rangée en bataille. Jahel, la grande et incomparable Jahel, qui tua le général Sisara pendant qu’il dormait ; Judith, la dévote Judith (7), qui en fit autant au général Holopherne pendant qu’il cuvait son vin, étaient moins courageuses que Madame ; il faut certainement plus de force et plus de dévotion pour se brouiller avec son père, son frère et sa sœur, pour se refuser aux embrassements d’un mari qui est jeune, que pour ficher un clou dans la tête d’un homme qui dort ou pour rompre le cou d’un homme qui est ivre. Dieu bénira Madame ; sa dévotion sera couronnée, mais il faut de la persévérance. Continuez à vivre