Aller au contenu

Page:E. Feydeau - Souvenirs d’une cocodette, 1878.djvu/102

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
60
SOUVENIRS


le regardai à loisir. Combien je le trouvai changé !

Il avait toujours les mêmes cheveux blonds, bouclés, les mêmes yeux bleus, le même teint clair, et ce je ne sais quoi d’aimable et de doux qui m’avait jadis plu en lui. Mais il avait aussi, en plus, de fines moustaches et des favoris.

Autrefois, on le plaisantait sur sa petite taille. Maintenant, ses épaules étaient larges, sa ceinture paraissait bien prise. Il me semblait qu’il avait les bras forts et la voix mâle.

Quelque chose d’énergique et de résolu, qui n’était pas absolument désagréable, apparaissait dans toute sa personne.

Enfin, c’était un homme. Je remarquai, non sans plaisir, qu’il était soigné dans sa mise, qu’il avait les ongles bien faits.

La première impression que mon cousin fit sur moi avait été bonne. Une semaine à peine après son arrivée au château, je devais éprouver un cruel désenchantement. C’était le soir. Le dîner venait de finir. Nous étions tous réunis dans le grand salon, au rez-de-chaussée, autour d’une table, les hommes lisant le journal, les femmes travaillant à l’aiguille. Une grosse lampe nous éclairait. En levant la tête, par hasard, je fus frappée de voir la lune, alors très large et dans son plein, briller d’un éclat magnifique sur les vitres de la porte et de la fenêtre.