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Page:E. Feydeau - Souvenirs d’une cocodette, 1878.djvu/104

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SOUVENIRS


à me suivre. Depuis quelques jours, je n’étais pas contente de l’attitude et des manières de mon cousin. Il me semblait qu’il n’avait point assez d’égards pour moi, me traitait trop en camarade. Ce même soir surtout, feignant de lire, assis en face de moi, de l’autre côté de la table, il n’avait presque pas cessé de m’adresser des regards que je trouvais alors trop gouailleurs et irrévérencieux — aujourd’hui que j’ai un peu plus d’expérience, je les qualifierais de « libertins. » Bref, il me fut très désagréable de le voir me suivre ; j’étais mal disposée ; j’avais comme un pressentiment que la poétique promenade que je voulais faire allait être toute gâtée.

Il y avait dans le parc de Galardon une longue et large avenue de coudriers qui, partant de la terrasse, juste en face la porte d’honneur du salon, s’en allait aboutir à un pavillon de repos entouré de fleurs.

J’avais eu, de tout temps, une prédilection particulière pour cette avenue ombreuse et mystérieuse dont les arbres, se rejoignant et entrecroisant leurs rameaux à vingt pieds en l’air, formaient une sorte de longue voûte verdoyante et pleine de murmures. De distance en distance, dans une sorte de niche ou de renfoncement de la charmille, une blanche statue de marbre, représentant une nymphe ou une bacchante, s’élevait sur son piédestal. Il y avait aussi quelques bancs