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Page:E. Feydeau - Souvenirs d’une cocodette, 1878.djvu/127

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D’UNE COCODETTE


regards. Alors, ils ne faisaient que m’embarrasser. Comme il n’est pas reçu de causer avec les jeunes filles — du moins en France ; il n’en est pas de même en Amérique, m’a-t-on dit — c’était à ma bonne mère qu’ils s’adressaient pour faire mon éloge, et l’excellente femme, quoiqu’elle eût sa part de louanges, en verdissait.

Quelques femmes, cependant, trouvèrent « le chemin de son cœur » en lui disant que j’étais trop grande.

Je dansai plusieurs fois. Je m’amusai comme on ne s’amuse guère qu’à vingt ans. Il me semblait, tant j’étais peu faite aux hommages, que l’offre d’une couronne de princesse était le moins qui pût m’attendre le lendemain à mon réveil. Ce fut mon père qui se chargea de me faire perdre mes illusions. Comme nous étions en voiture, dans le trajet assez long de la place de Grève à la rue Mazarine, où nous demeurions, il se tourna vers ma mère et dit :

— Notre grande fillette a eu beaucoup de succès, ce soir.

— Elle le méritait bien, répondit ma mère, elle était charmante.

— Cela ne la rendra malheureusement que plus difficile à marier.

À ce mot, je dressai l’oreille.

— Pourquoi donc ? avait dit maman.

— Eh ! mon Dieu, parce que nous n’avons