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Page:E. Feydeau - Souvenirs d’une cocodette, 1878.djvu/138

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SOUVENIRS


mère se retirera pour lui laisser la place libre.

— Pour quoi faire ?

Ma tante n’avait jamais su ménager les mots. Elle avait même, en certaines occasions, comme je l’ai dit, une crudité de langage qui aurait pu passer pour du cynisme. Elle me répondit aussitôt :

— Pour quoi faire ? Pour qu’il couche avec toi, pardieu !

— C’est une horreur !

— Je n’en disconviens pas, ma belle enfant, mais c’est l’usage.

— Est-ce que toutes les femmes ?…

— Toutes, moi, ta mère, depuis que le monde existe, nous avons toutes passé par là. Il faut que tu y passes à ton tour.

— Et si je ne veux pas ?

— Tu feras bien de le dire tout de suite, parce que, dans ce cas, il n’y aura pas de mariage.

— Je comprends maintenant que maman n’ait point osé parler elle-même…

Ma tante Aurore n’était point sotte.

— Bien obligée ! fit-elle.

— Et… si je consentais ?

— Voici. Quand ton mari sera déshabillé et couché dans ton lit, auprès de toi, il te prendra dans ses bras, et commencera à te caresser. C’est ici, par exemple, qu’il ne faudra pas faire la mijaurée.