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Page:E. Feydeau - Souvenirs d’une cocodette, 1878.djvu/168

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SOUVENIRS


griné. Cependant, comme chez lui les impressions étaient toujours passagères, il sauta sur ses pieds, me saisit dans ses bras, m’enleva de terre comme une plume, et, sans même me laisser le temps de me reconnaître, il me porta dans mon lit et m’y coucha.

À partir de ce moment, il ne se passa plus rien que d’ordinaire. En deux minutes, mon mari eut enlevé ses vêtements et s’étendit à mon côté. Il me serrait entre ses bras, m’étouffait de baisers.

— Voilà l’instant ! me disais-je, avec une enfantine terreur. Oh ! ma tante, que n’es-tu là pour me donner du courage !

Je ne sais pas, et ne me soucie même pas de savoir comment les autres femmes se sont tirées d’affaire en cette désenchantante circonstance.

Pour moi, dans mon innocence relative, je la trouvai si bestiale, si douloureuse que je me crus victime d’un abominable attentat. Il me semblait, dans ma naïveté, et il m’avait toujours semblé que le mariage était, avant tout, une chose sainte. Je me disais que mon mari aurait dû me respecter, me traiter comme la compagne de sa vie, et non comme le mâle, chez les animaux, traite sa femelle.

— Qu’est-ce que vous faites ? qu’est-ce que vous faites donc ? Vous me faites un mal affreux. Vous êtes un sauvage, disais-je à mon mari, en me débattant convulsivement pour échapper à