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Page:E. Feydeau - Souvenirs d’une cocodette, 1878.djvu/218

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SOUVENIRS


le monde ne soupçonnât pas notre position. Personne ne pouvait nous sauver ; l’animosité déchaînée pouvait aggraver nos désastres en les ébruitant. C’était ainsi, du moins, que nous pensions.

Ils s’ébruitèrent. Il y avait trop de gens qui pensaient avoir intérêt à savoir exactement où nous en étions, pour garder toujours le silence. Nous faisions bonne contenance, mon mari et moi ; mais déjà, dans le monde, parmi les hommes qui me faisaient la cour, il y en avait quelques-uns qui devenaient plus explicites.

Évidemment, selon l’expression de mon mari, « les chacals avaient flairé notre ruine. »

— Toutes les richesses de l’univers, si, je les possédais, me disait l’un, je les donnerais volontiers pour être distingué de vous.

Celui-là était vingt fois millionnaire, et, en parlant ainsi, ne s’aventurait pas beaucoup.

Un autre, plus familier ou plus grossier, me sermonnait ainsi :

— Soyez donc plus gentille. On sait que vous êtes gênée. On serait trop heureux de se mettre en quatre pour vous.

Un autre encore, mieux élevé ou plus discret, se contentait de me serrer la main en soupirant, et me disait :

— Si jamais il vous arrivait d’être obligée de recourir aux services d’autrui, c’est à moi que