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Page:E. Feydeau - Souvenirs d’une cocodette, 1878.djvu/49

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D’UNE COCODETTE


rents costumes appropriés à chaque saison, qu’elle avait inventés pour le lever, l’après-midi, la promenade, le dîner, le théâtre, etc., etc. J’ai passé, et je passe encore, non sans raison, j’espère, pour l’une des femmes les plus élégantes du monde parisien, et je dois mes succès autant à ma manière de me mettre qu’aux agréments de ma personne. Eh bien, je le déclare en toute sincérité, sous le rapport de l’élégance, quoique j’aie été plus jolie que ne le fut jamais ma mère, je n’existe point auprès d’elle. Je n’ai pas le droit de me montrer trop sévère. J’adore la toilette, j’ai fait en[1] mon temps de folles dépenses, comme tant d’autres. Mon coup d’œil passe pour infaillible. Mes moindres fantaisies font encore la loi dans les salons. Cela ne me hausse pas d’un cran au-dessus de celle qui restera toujours comme un inimitable modèle à mes yeux.

Aujourd’hui qu’elle n’est plus, je puis le dire avec orgueil, c’était quelque chose d’inouï de la voir, le matin, sortir de sa chambre à coucher, avec ses yeux pudiques, sa tournure de vierge, plus fraîche qu’une journée d’avril, mieux attifée qu’un buisson en fleurs.

On l’aurait mangée toute vivante.

Moi-même, je prenais alors une sorte de voluptueux plaisir à l’embrasser.

  1. Variante, ligne 13, au lieu de fait en ; lire : eu.