Aller au contenu

Page:Edmond Régnier - Histoire de l'abbaye des Écharlis.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
41
261
histoire de l'abbaye des écharlis

l’abandon leurs immenses possessions. De plus, le trente-neuvième abbé, Jean X, élu en 1452, aggrave[1], par sa mauvaise administration, la situation déjà si déplorable de l’abbaye. Pour se procurer un peu d’argent, il met en gage une croix et un calice et reçoit pour cela 60 livres tournois (environ 1.680 fr.) de Guiard, bourgeois de Joigny, Guiard les vend cinq écus d’or et se dégage envers l’abbaye en lui vendant, en 1455, 5 quartiers de vigne à Villeneuve-sur-Yonne. On est obligé de déposer cet abbé en 1455.

Les religieux rentrent enfin dans leur monastère. Mais combien sont-ils ?

Les malheurs des temps ont aussi privé l’abbaye de nombreuses vocations. Pendant les cent ans que les religieux sont forcément éloignés de leur couvent, bien peu des vides causés par la mort se sont comblés. Quand, rentrés aux Écharlis, les moines sont de nouveau contraints de défricher leurs immenses domaines, ils ne sont plus assez nombreux pour diriger les exploitations agricoles. Ils sont donc obligés de prendre des fermiers. Mais cultiver des terres en friche est chose difficile ; en outre, les bras font défaut. Aussi ne peuvent-ils louer leurs propriétés qu’en consentant des fermages presque nuls, en faisant des baux emphytéotiques qui ressemblent à des aliénations. Les conditions générales des baux sont en effet : à trois vies et 59 ans après ces trois vies, à charge d’essarter et mettre en état, de bâtir, de donner des redevances en grain, froment et avoine, et en argent, avec le droit de mener des porcs dans les bois de l’abbaye et de prendre le bois nécessaire pour bâtir.

Ainsi, ces baux changent la vie des religieux : une nouvelle existence, douce et agréable, commence pour eux. Ils ne cultivent plus, mais font cultiver; comme des propriétaires, ils vivent des redevances de leurs fermiers. Ils ne se réservent que les fermes, les bois et quelques propriétés attenant à l’abbaye, donnent tout le reste à bail emphytéotique et afferment même les dîmes. S’ils ne peuvent cultiver leurs domaines, ils ne peuvent pas, non plus, relever de leurs ruines les nombreuses maisons et les villages qu’ils avaient construits avant la guerre. Mais, grâce aux baux, les maisons se relèvent, les villages, comme Arblay, se reconstituent. Les religieux, en effet, ne manquent pas de stipuler, en louant leurs terres,

  1. Gallia Christiana.