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Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/118

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affinait son visage trop franchement épanoui. Ses narines se dilataient comme pour odorer l’encens des thuriféraires ; ses prunelles scrutaient l’immatériel au-delà. Graduellement, Rosa Valk oubliait l’infime trieuse, comme une parvenue l’eût fait d’une besoigneuse de la veille. Il s’ensuivait qu’elle reniait également le promis de la Rosa d’autrefois. La rencontre au bal du Robinet, les confidences sous la tonnelle, la valse langoureuse, le premier baiser, les fiançailles, les bouderies et jusqu’à la cordiale et rugueuse face de Flup-les-Deux-Cents Kilos : autant d’attaches indignes que sa nouvelle essence répudiait. Elle se grisait de l’adulation de ce peuple grouillant à vingt mètres sous elle, des regards de convoitise et d’envie dirigés de toutes parts sur sa personne, tant par la racaille entassée dans les rues, que par les gandins aristocratiques, les nobles curieux, la badauderie patricienne, garnissant les encorbellements rococo de la place. Elle se sentait supérieure aux plus illustres et aux plus belles. On la proclamait Reine comme celle devant qui son cortège triomphal allait défiler. Reine, non ; c’était trop peu : elle visait toujours plus haut, elle se parait d’un titre sans partage, elle devenait la Déesse, l’Unique, prête à s’envoler loin du réel morose, pour s’éperdre dans l’infini. Tandis qu’elle s’éloignait sculpturalement sur le ciel d’été, à la façon de ces hiératiques figures des assomptions, d’un moment à l’autre descendraient des chœurs d’anges qui l’obombreraient de leurs ailes.

Les railleries et les sarcasmes ne monteraient plus jusqu’à sa gloire. Cependant les loustics ne la ména-