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Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/128

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pouvoir détaler lorsque les bonnets à poils apparaîtront.

D’autres truands étalent des plaies repoussantes, des infirmités voulues, des guenilles, des misères de maladrerie à l’apprêt desquelles les drôles apportent autant de soin qu’une coquette à son maquillage, s’échelonnent comme des bornes kilométriques et font appel à la pitié révoltée des bonnes âmes.

Par moments, la route s’encaisse entre des talus escarpés et sablonneux d’où prennent plaisir à se rouler, du sommet sur le pavé, des voyous hâves et terreux, démonstratifs dans leur joie de chien lâché. Plus loin, c’est jusqu’au fond vertigineux d’une carrière de ces pierres blanches importées par la Hollande pour la construction des digues, que dégringolent ces loustics féroces, tandis que sur les remblais s’esclaffent leurs compagnons, les mains en poche, la casquette ou mousch dégageant au-dessus de l’oreille une houppe de cheveux hirsute comme une brosse de poils de porc. Et les passants, graves et contrits, s’arrêtent un instant et envisagent avec stupeur ces agités en se demandant si ce ne sont pas là des impies tombant miraculeusement du haut-mal que saint Corneille guérit chez les fervents.

Pour descendre au village, après avoir traversé le viaduc du chemin de fer, on s’engage dans une dernière gorge, que surplombent cette fois, de chaque côté, des hêtres feuillus, d’une taille respectable. Cette entrée ombragée et verdoyante apporte un correctif désiré au Sahara traversé jusque-là. Un peu auparavant, la tour originale, blanche, avec son cône brisé aux étages par