Aller au contenu

Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à coups d’escourgée. Nous traversions les brandes et les dunes, mes buffleteries et mon sabre s’embarrassaient dans les fourrés ; ma peau s’accrochait aux épines… Je franchissais au pas de charge des douves de trois mètres de largeur pour échapper à ma persécutrice. Mais la maudite vieille galopait toujours après moi et m’étrillait de plus belle, sans répit… Et j’étais trop lâche pour me retourner et l’attendre de pied ferme… Oh ! cette course sous les étoiles… Vrai, j’ai failli prendre en horreur notre Campine tant aimée… Car cela se passait dans la Bruyère… Mais du diable si je sais de quel côté, par exemple !… Ah ! mes jambes, mes pauvres jambes… Tu ne le croiras pas, mais je suis comme fourbu…

— Bast, bast ! intervint le fidèle Warner Cats… Songe est mensonge ! comme disait ma grand’mère. Tout à l’heure, lorsque tu chemineras, en dehors des remparts, sur la route de notre beau Wildonck, ces fantômes se seront depuis longtemps dissipés… Je te conseille de te lamenter et de te plaindre… Nargue des cauchemars si le réveil nous sourit !

Kors, hors du lit, paquetait son fourniment, défaisait et repliait ses couvertures suivant l’ordonnance, et ragaillardi par la perspective du campos, il fredonnait un refrain de cantine.

Il s’arrêta court comme il venait de plonger successivement ses mains dans chaque poche.

— Cré nom ! j’aurais pourtant juré l’avoir mis dans mon gousset.

— Quoi ? Qu’arrive-t-il encore, bougonneur du diable ? interrogea Warner.