Aller au contenu

Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

car les Verhulst, aussi considérables terriens qu’ils se montrent, sont des indigents comparés aux Davie.

Rika exhibe d’éblouissants atours. Il s’agirait bien, baezine Verhulst, de lui faire l’aumône d’un mouchoir de lainage acheté chez ce juif de Suske Derk. Tâtez plutôt la soie de sa faille : du gros grain, à dix francs l’aune, ni plus ni moins. Les dentelles de son gros bonnet d’apparat coûtent le prix de trois porcs gras et le cœur en diamant qui ballote sur sa poitrine, retenu par un massif jaseran d’or, un bijou de feue la baezine Davie, mère de Kors, vaut bien votre bicoque tout entière, mes maîtres !

L’heure de midi amène grande chère chez les Verhulst, en l’honneur de la kermesse et surtout de la visite des Davie. Maîtres, cousins, cognats, garçons de charrue et botteleurs, tous bien endentés, s’attablent autour d’énormes platées portées par la fermière et la remplaçante de Rika.

L’obséquieuse mère Verhulst se confond en politesses devant la superbe parvenue.

Baezine Davie, une de ces carbonades ? Elles sont tendres comme du beurre… Une tranche de jambon ? Le roi n’en mange pas de pareil. Ou bien reprendrez-vous de cette échinée réservée pour votre visite ? ou une cuillerée de riz au safran ? Il fond dans la bouche.

— Vous êtes bien bonne, baezine Verhulst, mais nous déjeunâmes tard avant de nous embarquer… Kors, nos chevaux ont-ils le pain et l’avoine ?

— Soyez sans inquiétude, baezine Davie, notre baes les affourage lui-même…