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Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/160

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baes et que rougeoient les quatre fenêtres de la salle de danse, Rika, triomphante, a pris le bras de Kors et promène le docile époux dans toutes les dépendances de la ferme Verhulst. Après avoir visité l’écurie et l’étable, le toit à cochons et la beurrerie, ils grimpent même dans la soupente où dormait la gardeuse de vaches de jadis. Voici le même lit de camp, le même miroir ébréché, l’unique et boiteux escabeau. Un attendrissement et peut-être un vague remords gagnent la jolie petite baezine à la vue de ces objets familiers et elle se laisse choir entre les bras du jeune fermier qui, ravi de tant d’expansion, lui baise goulûment la bouche, et, féru, congestionné et affriolé, se met en devoir de préluder aux confortables passe-temps de la nuit. L’isolement favorise ces épanchements très légitimes et le piot échauffant et les victuailles saignantes et pimentées les provoquent. Déjà il a pris sur ses genoux la potelée gaillarde, qui ne se défend guère. Elle s’oublie et s’éperd dans ses membres enlaçants…

En bas, dans la cour, des voix narquoises les houpent ; il s’en va temps pour la danse. Mais rien ne presse ! n’est-ce pas, femme ? D’ailleurs, Kors opère rapidement. Personne ne les dénichera, nos amoureux tourtereaux de passage !

— Kors, mon mieuxvoulu, fait-elle en soupirant, après un long et délicieux mutisme, ne connais-tu pas cette chambrette ?

— Quelle demande cornue, femmelette ; tu sais bien que mes pieds foulent aujourd’hui pour la première fois cet héritage !