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Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/169

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avec son calme habituel, car il est isolé du noyau du village. Les voitures du château qui ont pris ou reconduit à la gare les invités de M. le comte, aussi les équipages desdits invités arrêtent à Babylonia. La salle basse retentit de braillements et de chamaillis d’écurie. Dans le clair-obscur, les brûle-gueule ardent avec des intermittences. Au dehors, les carrossiers soufflent et piaffent éprouvant la patience du gamin qui les émouche, une branche feuillue à la main.

Vers les 187… lorsque j’habitais Doersel, l’estaminet était tenu par baes Nikkel Tybout, ou mieux par Léna, sa baezine, et leur fille Jo, car lui, maître-charpentier, menuisier et ébéniste à l’occasion, travaillait de son côté, avec leurs quatre garçons : Suss, Jaak, Tône et Marcus, tantôt dans l’atelier joignant la salle d’estaminet, tantôt sur le chantier même de la bâtisse entreprise.

Babylonia devint bientôt ma promenade favorite. Je mettais une demi-heure à faire la route. C’était généralement vers le soir. Arrivé, j’oubliais le temps si je goûtais la bière ou si Jô, la blonde boulotte, me la pompait, mais je touchais à peine barre si le breuvage manquait de transparence ou si la vieille baezine me le présentait. Dans ce dernier cas j’enfilais la drève ombreuse, je gagnai la campagne recueillie et je rentrais au gîte après avoir décrit, en cheminant derrière le village, un grand arc de cercle à travers le Polder.

L’hiver, je pris l’habitude de jouer au billard.

Aux jours les plus courts, les Tybout quittaient le chantier dès quatre heures. Dans nos villages les artisans travaillent rarement à la lumière. Alors commen-