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Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/28

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l’opaque fumée des pipes aveuglaient les chouettes. Zanne et Katto ne surprirent rien d’anormal dans les allures de leur cadette et du tailleur novice.

Rombaut s’en fut reconduire sa vieille mère que tout ce brouhaha étourdissait, mais reparut aussitôt après au Bœuf bigarré. Pour détourner jusqu’au moindre soupçon, il n’engagea plus une seule fois ses baezines et fit sauter avec la même complaisance toutes les pataudes de la chambrée, les doyennes ridées et tapées et les dirnes sapides.

La salle se vida. Les quadrilles devenaient fantastiques. Des gagne-denier, la haute casquette renversée, la visière de travers, gigottaient entre eux, s’aggripaient et se séparaient avec des contorsions lubriques, jouant de la prunelle et de la langue, claquant des doigts, arrondissant les bras. D’autres s’avachissaient, le nez dans leur petit verre, devant le comptoir.

Enfin, il ne resta plus que Baut engagé dans un colloque édifiant avec cette pimbêche de Zanne, sirotant un élixir édulcoré et poisseux. Cette gendarme trouvait assez naturel que le gamin s’attardât ; il faisait presque partie de la maison, le Crollé.

Le jour approchant, Klaes, ayant compté l’argent, sonna la retraite.

— Allez vous coucher, vous autres ! proposa Lusse. Moi, je recurerai et rangerai l’estaminet ; ce sera autant de gagné…

Au moment où Baut sortait, elle l’accompagna pour fermer les volets et, au dehors, elle murmura ce seul mot : « Revenez ! »