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Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/30

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bule, le petit lui jeta les bras autour du cou. Ses yeux bruns flambaient comme ceux d’un coq de bataille ; il avait la gorge sèche et les lèvres humides. Il l’embrassa goulûment sur la bouche, en la serrant très fort.

— Pas ici ! parvenait-elle à articuler.

Sans se dégager de cette étreinte ineffable dans laquelle elle se sentait fondre, elle l’entraîna vers l’atelier, dont ils poussèrent la porte. Ils titubaient comme des ivrognes en train de se colleter dans la pièce aussi noire qu’une église en novembre. Il y régnait cette forte odeur de paysan, composée de sueur, de ferments laiteux, de surètes senteurs végétales, s’échappant des hardes boucanées et embousées, entassées dans les coins de la place, attendant le raccommodage. En tâtonnant, le couple pâmé heurta contre un de ces paquets où la chair épaisse et sensuelle des rustres avait laissé l’empreinte de ses formes et les amoureux s’abattirent, pantelants, pour ne se séparer que longtemps après.

Le matin, lorsque les trois autres se levèrent, le local avait repris sa physionomie honnête et reposée. On n’apercevait plus trace des débordements de la veille. À son tour, la diligente Lusse s’était coulée dans ses draps.

Le petit Baut se présenta à l’heure habituelle. Le gaillard avait les yeux un peu cernés et le teint moins rosé. Le tailleur plaisanta son apprenti et l’autre souriait, convenait de la fatigue descendue dans ses jambes à la suite de ses gambades d’épileptique.