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Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/74

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sa corpulence, plus jeune d’une dizaine d’années ; puis la ribambelle des frères et sœurs variant de vingt-cinq à quinze ans ; ceux-ci de crânes gars, bruns, crépus, musclés et carrés ; celles-là de fraîches filles dorées par le soleil, ressemblant toutes à Yana, leur aînée, qui représentait, à mon avis, la plus appétissante boerine anversoise qu’on pût rêver avec ses nattes brunes, ses grands yeux smaragdins frangés de longs cils.

En l’honneur de la kermesse de S’Gravenwezel, dont nous entendions déjà les bourrées et les sabottières dans le lointain, disaient-ils, mais bien plutôt en celui de notre visite, les hommes portaient leur culotte de drap des dimanches et le carreau bleu lustré et coquettement froncé sous la nuque. Les femmes avaient sorti de l’armoire le bonnet de dentelles à larges ailes, la coiffe épinglée d’argent, la robe de laine et l’ample mouchoir de soie croisé sur la poitrine et tombant en pointe dans le dos. Ces braves complimentaient mon père sur ma bonne mine. C’était là le fils de Mynheer… Jonkheer Jorss ! En peu d’instants, j’avais conquis ce monde rond et cordial, et particulièrement un fier garçon de dix-neuf ans, onze Jan, notre Jean, disait Yana, à la veille de tirer à la conscription.

Tandis que ses sœurs mettaient la table, car on nous retenait à dîner, il offrit de me montrer le verger, le courtil et les étables. Si j’acceptai ! Je ne tenais déjà plus en place. Jan me prit par la main et me conduisit auprès des vaches. Enchaînées dans leurs stalles, vautrées, elles beuglèrent lamentablement. Les fumiers avaient des luisants de bronze et de vieil or, et l’étable