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Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/81

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une dernière fois ce petit coin de terre, l’ermitage qui allait nous abriter.

— Nous l’appellerons Mon Repos ! fit-il, et nous continuâmes à marcher.

Mon Repos ! Comme il traîna ces trois syllabes. Certains nocturnes de Chopin se dissolvent de cette façon.

De retour à la ferme Ambroes, nous prîmes affectueusement congé de la famille de Yana. Mon père les remercia de leur accueil et leur rappela son invitation chez lui. Il donna encore quelques instructions de jardinage à Jan, qui tenait la casquette à la main, ses yeux bruns exprimant une sympathie très visible.

Un « à revoir ! » nous fut encore envoyé et la voiture s’ébranlant, nous tournâmes le dos au cher village…

Était-ce encore l’orgue de la kermesse qui m’obsédait, survivant à toutes les autres rumeurs, de plus en plus faible, mais n’expirant jamais complètement ? et pourquoi scandai-je intérieurement et sans cesse sur cette musique quelconque ces trois syllabes non moins insignifiantes : « Mon Repos » ?

Le soleil se couchait quand nous atteignîmes les portes de la ville. Les maçons des campagnes, blancs et poudreux, l’outil sur l’épaule, la gourde de fer-blanc battant leurs reins, regagnaient à larges enjambées les clochers que nous avions laissés derrière nous. Heureux ouvriers ! Ils avaient bien raison de retourner au village et de laisser à leurs frères de la ville les hideux cloaques de l’ouest d’Anvers.

Une brise assez fraîche s’était levée et agitait le faîte