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Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/91

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pagnie d’un nouveau numéro, plus « poivré », comme disent les bons zigs de l’endroit. Impitoyable, le musicastre harcèle sa partenaire époumonnée :

— Eh, va donc !

Il la rappelle rageusement au ton et à la mesure :

— Chante ou je cogne !

Et, longtemps encore, dans cette pesante atmosphère de tabac et de houblon, chargée d’éructations d’ivrognes, de relents d’étable, de sueurs volatilisées, chauffée d’animalité rutilante, — elle doit, elle, émoustiller la lubricité dormante de tous ces patauds. Malheur si sa mémoire se regimbe, si le mot ne répond pas à la note. Les drilles se trémoussent en la saboulant. Les quolibets pleuvent :

— Est-elle assez précieuse avec sa dégaine de souris prise au piège ?

— N’avance pas ainsi ta lippe ou je te passerai mon biberon !

— Je la cède aux amateurs.

— Quand je demande une paire de jambes charnues, je n’entends pas qu’on me serve un casse-noix…

— Les deux font la paire. Hé ! Kromme-Jak…, où as-tu pêché ce sacrement d’amour… Fabrication d’Hoogstraeten, çà se voit. Et la « mama » de la petite, quand la verrons-nous ?

Et le violoneux endêvé, lui crie dans le cou :

— Attends, damnée bestiasse, que nous soyons à la porte !

Les carrefours borgnes, les drèves où se pourchassent les souffles nocturnes, les cavées propices aux guet-