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Page:Eekhoud - Les Pittoresques, 1879.djvu/137

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Raymonne


« Venez, mes beaux enfants, nous a dit la nature.
Fuyez les murs croulants de votre manse obscure ;
Je vous offre mes bois, leurs parfums, leur fraîcheur.
Demandez aux oiseaux qui nichent dans la mousse
S’il est pour les amants une couche plus douce,
S’il est pour l’abandon un asile meilleur !

« Je suis dans ma saison de tendresses prodigues.
L’insecte avec les fleurs entretient mille intrigues ;
Le morose grillon chantonne plus joyeux.
J’écarte de l’azur et brouillards et nuées,
Je ne laisse monter que ces chaudes buées,
Si douces qu’on dirait des souffles d’amoureux.

— Sais-tu bien, mon ami, que cette nuit tu parles
Comme chante Idalleux, le beau ménestrel d’Arles.
Où découvres-tu donc ces propos séducteurs ?
— Raymonne, ce secret, quelle femme l’ignore ?
C’est sur la lèvre en feu de l’être qu’on adore
Que nous nous inspirons, amoureux et chanteurs ! »

Ainsi murmure Huguet, sa compagne l’écoute.
Ils font de grands détours en évitant la route,
Ils hantent les taillis et les buissons épais,