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Page:Eekhoud - Les Pittoresques, 1879.djvu/166

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La Guigne


Ils marchaient en causant. La glace était fondue.
La Guigne regardait parfois le Veloureux,
Heureuse que celui qui l’avait défendue
Fût aussi beau garçon qu’il était vigoureux ;
Et lui, de son côté, n’était pas malheureux
De sentir à son bras cette fille pendue.

Il rougissait. Un trouble inconnu jusqu’alors
Faisait battre son cœur, vierge comme son corps ;
À ses lèvres brûlait une soif ignorée,
Et de sa chair, d’amour et de plaisir sevrée,
Les sens se réveillaient dans de vagues transports.
Ainsi montent les flots houleux de la marée.

La Guigne, — j’en conviens et je l’ai dit assez, —
N’avait point l’ignorance aimable des rosières
Portant de blancs bouquets dans leurs cheveux tressés ;
Et pourtant j’ai connu beaucoup de grimacières,
Collets montés veillant au langage, aux manières,
Qui lui rendraient des points, malgré leurs yeux baissés.

Elle eut vite aperçu le trouble du jeune homme ;
Peut-être le comprit-elle même avant lui.
Lorsque le père Adam a mordu dans la pomme,