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Page:Eekhoud - Les Pittoresques, 1879.djvu/169

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La Guigne

Puis, d’abord… où vas-tu ? — Partout… là-bas… ici…
À la place où du froid on ressent moins l’atteinte.
Oh ! je trouverai bien un gîte… Sois sans crainte…

— Mais n’ai-je pas compris que tu n’avais plus rien,
Qu’aujourd’hui, par ce temps où je plaindrais un chien…
Des hommes, de sang-froid, t’avaient mise à la porte ?…
— C’était le jour du terme… Après tout, que t’importe ?
Qu’a de commun ton sort tranquille avec le mien ?…
Et maintenant surtout… je voudrais être morte !

— Écoute ! reprit-il, c’est bien vilain, la mort !
Je t’aime… Aimer, dit-on, augmente le courage.
Je suis seul, j’ai du pain, du bois et de l’ouvrage…
Je puis gagner pour deux… je puis t’offrir un sort…
Si tu voulais… un mot… et du vent qui fait rage…
Ensemble nous pourrons narguer le vain effort… »

Il l’avait entraînée avec lui dans l’impasse,
Au pied d’un escalier, sous une porte basse.
Il faisait froid dehors, à la bise des nuits…
Le jeune homme était bon ; il l’aimait bien… et puis
La faim la tiraillait ; elle était faible et lasse…
« Soit, lui dit-elle enfin, je t’aime et je te suis… »