Aller au contenu

Page:Eekhoud - Les Pittoresques, 1879.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
142
La Guigne

Relève un peu ton masque… afin que j’examine…
Ton visage, méchant ! Ne fais pas de façons… »
Prompte, elle l’effleura de sa bouche câline.

Puis elle l’entraîna. — Dans la salle du bal
L’air était suffocant, et devant la lumière
Des glaces circulait un brouillard de poussière
Que soulevaient les pas d’un galop infernal ;
Et les exhalaisons de cette fourmilière
Attachaient leur moiteur aux lustres de cristal.

Tout prenait l’air grisaille à travers la buée ;
Des rictus grimaçants et des profils camards
Allaient, se tortillaient, effrayaient les regards,
Et des rires, des voix, l’incessante huée
Montait et grossissait, par les archets criards
Et les cuivres fêlés à peine ponctuée.

Des milliers de talons trépignaient les parquets,
Des costumes voyants aux couleurs disparates :
Guignols et leurs bâtons, Arlequins et leurs battes ;
Colombines, Pierrots, Cassandres, Bilboquets,
Bergères, débardeurs, soubrettes, acrobates,
Des nippes sans valeur, des costumes coquets.