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Page:Eekhoud - Les Pittoresques, 1879.djvu/54

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La Chanson de l’Homme fort


Les calfats et les portefaix
Ont des airs tristes et défaits ;
L’Escaut, en agitant sa lame,
Rend sur la plage un vague accord :
On sait— Mon homme est mort.

On saitIl était fort.
On saitLe vent du Nord
Ne traversait pas sa cuirasse.
Il avait à peine trente ans,
Nous nous aimions comme au printemps…
Laissez encor que je l’embrasse,
Car c’est pour longtemps qu’il s’endort,
On saitMon homme fort.

On saitIl était fort ;
On saitMais hier, à bord
D’un bateau venu d’Amérique,
Il déchargeait alerte et franc…
« Chaque ballot me vaut un franc,
Disait-il, pour ma douce Ulrique.
Autant de plus au coffre-fort
On saitDe l’homme fort. »