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Page:Eekhoud - Les Pittoresques, 1879.djvu/60

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Johnny


Dans l’air qui l’entourait il flairait la menace.
L’instinct lui révélait que cette populace
Ne demandait pas mieux que de le voir souffrir.
Les poings leur démangeant de frapper, de meurtrir,
Des gaillards vigoureux, gens de la pire espèce,
Se bousculaient poussant des « Hélas ! » et des « Qu’est-ce ? »
Prenaient l’air indigné d’honnêtes citoyens
Tenant en leur pouvoir le dernier des vauriens.
En lâches, en sournois, ils pinçaient le pauvre être,
Lui tiraient les cheveux, prétendaient le connaître,
L’accusaient de forfaits qu’eux seuls auraient commis.
En un instant l’enfant avait mille ennemis
S’acharnant après lui, agressifs ou farouches.
Pas un mot de pitié ne sortait de leurs bouches.
Les femmes soupiraient, mais auraient regretté
De voir le prisonnier remis en liberté.

Lorsque sous l’échafaud le spectateur avide
Guette le couperet, le cœur lui bat. Livide,
Il veut fermer les yeux. Mais il était trop tard :
Il a pu, malgré lui, repaître son regard
De ce tronc pantelant, de cette tête folle
Faisant des bonds affreux lorsque l’âme s’envole ;
Il a pu voir le sang par gerbes projeté