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Page:Eekhoud - Les fusillés de Malines, 1891.pdf/110

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LES FUSILLÉS DE MALINES

Jusqu’à présent, le succès est une liqueur généreuse qui les grise agréablement, les incline à la conciliation et à la réjouissance. La conduite de ces paysans rappelle davantage celle d’écoliers indisciplinés qui s’amusent aux dépens des cuistres et des porte-férule, que celle de rebelles décidés à en venir aux extrémités.


Ils en veulent à la Terreur avant de s’en prendre aux Français, et songent plutôt à secouer l’oppression qu’à se venger des oppresseurs. À chaque occasion se manifeste leur véritable sentiment. Il y a un instant, ils épargnèrent leurs prisonniers, voilà qu’ils se jettent avec la furie de taureaux qui ont vu rouge, sur l’arbre de la Liberté érigé sur la place. Ils l’attaquent, à la fois par le fer et par le feu, le ligotent à grand renfort de câbles, jouent de la hache et de la cognée, mais en viennent moins facilement à bout que du maigre soliveau de Bonheyden. Quel concert de malédictions et de huées vengeresses, lorsque, scié à la base, le hêtre récalcitrant vient s’abattre sur la place au risque d’écraser ses