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Page:Eekhoud - Les fusillés de Malines, 1891.pdf/129

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LES FUSILLÉS DE MALINES

Au moment même où le soldat vient de se reconnaître, sa présence a été signalée et les colloques s’interrompent. Les blousiers interpellent le survenant et le menacent de leurs armes. Plusieurs foncent à sa rencontre pour se jeter à la tête de son cheval ou pour le désarçonner. Il y en a qui épaulent en s’excitant mutuellement à tirer. Mais encore une fois chacun hésite à descendre ce soldat isolé. Il a mine si martiale, il est si crânement ficelé dans son uniforme chatoyant ! Conscient de l’attention flatteuse qu’il suscite parmi ces brigands, le Français l’entretient encore en faisant piaffer et virevolter sa monture, puis après avoir amusé leur curiosité et de crainte qu’à la longue ils ne se résolvent à le tirer comme un gibier sans conséquence, il tourne brusquement bride et détale au grandissime galop. Alors seulement nos béats se décident à faire feu, mais sans application, sans humeur, plutôt par acquit de conscience et pour la forme, histoire de s’amuser, de donner la frousse au beau soldat et de le voir déguerpir au plus vite. Quelques-uns le ménagent au point de