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Page:Eekhoud - Les fusillés de Malines, 1891.pdf/140

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LES FUSILLÉS DE MALINES

fut si catégorique qu’on vit bientôt de gros bonnets payer chopine aux goujats et trinquer avec eux. Loin de vouloir arracher le nanan aux bons molosses, on les flattait, on les caressait à l’envi.

Et se livrant, s’épanchant, définitivement rassurés, éprouvant une félicité suprême, les braves campagnards n’attendaient plus que les camarades de l’autre armée pour ouvrir le bal général. « C’est à présent que je fringuerais volontiers avec Linette ! » pensait l’Oiseleur, des fourmis aux mollets. « Oui, mais pas avant que le Joufflu soit arrivé aussi pour nous faire vis-à-vis avec la vieille lieuse de balais ! »

Aussi rien ne rendra la stupeur, l’épouvante, l’affolement qui s’empara de cette ville émancipée, grouillante de populaire, quand, vers dix heures, des battues de chevauchée, un fracas de belliqueux équipages, un cliquetis d’étriers et de fourreaux domina ce brouhaha de réjouissance. Le sol tremblait, les vitres dansaient entre leurs châssis. La ruisselante fonte humaine coulée dans le moule presque trop étroit des vieilles rues parut figée du coup, puis