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Page:Eekhoud - Les fusillés de Malines, 1891.pdf/20

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LES FUSILLÉS DE MALINES

bustes, il portait presque avec élégance des guenilles sentant bon la feuillée, le foin, la sève et la grume. L’encolure et les bras nus se dégageaient d’une sorte de sac en toile grossière, lui tenant lieu de chemise et de blaude et dont il ramenait les pans dans une culotte élimée qui lui venait à peine jusqu’aux mollets. Il allait pieds déchaux, en toute saison. Orphelin, livré à lui-même dès le berceau, ivre de plein air, on ne lui connaissait de métiers plus lucratifs que ceux de taupier et d’oiseleur. Les cultivateurs lui payaient un liard par bête puante crevée sur leur champ. Avant l’occupation française, les dimanches il se rendait à Malines. Un rameau feuillu à la main, sifflotant une chanson pour entretenir le gazouillis de ses petits captifs, assis devant le portail de Saint-Rombaut, il guettait la sortie des patriciennes passant, au bras des marguilliers ventrus, emmitouflées dans leurs failles de moire. Avec des paroles engageantes, mais non serviles, il faisait valoir ses pinsons et ses chardonnerets.

Malgré ses allures irrégulières et sa vie nomade, un tel parfum d’honnêteté et de