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Page:Eekhoud - Les fusillés de Malines, 1891.pdf/34

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LES FUSILLÉS DE MALINES

d’abord, l’humble cloche de Bonheyden, d’un joli timbre argentin et persuasif, entra dans la symphonie, éleva le ton, elle aussi, et trouva peut-être, pour la première fois depuis son baptême, des accents de menace et de colère.

Voilà de longs mois que les paroissiens ne l’avaient plus entendue et ce leur fut une béatitude de retrouver ces résonances familières, deux ou trois notes tout au plus, mais aux nuances infinies, contenant tout ce qu’il faut pour aller à ces âmes primitives, compatir à leurs épreuves, sourire à leurs déduits.

Au moins une douzaine de sonneurs improvisés s’agrippant les uns les autres, formant une véritable grappe humaine, tâchant d’empoigner un bout de câble, sonnaient maintenant à toute volée. Il s’en ameutait d’autres, non moins zélés, avides d’émouvoir à leur tour le bronze si longtemps taciturne. Et, pour tromper leur attente, ils excitaient l’ardeur de l’équipe, clamaient, dansaient d’impatience et leurs flexions de reins, et leur souffle d’ahan, rythmaient les mouvements des sonneurs.