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LES FUSILLÉS DE MALINES

taille. On avait cessé de veiller dans les fermes et plus une fenêtre n’était éclairée. À part ces cent braves, dont la masse noire s’étoilait de luisants métalliques, le reste du village dormait.

Après quelques heures de ce silence et de ces ténèbres, le chant réitéré d’un coq demeura sans écho. Et graduellement, l’opaque obscurité se dissipa.

À présent, les hommes parvenaient à se dévisager dans le jour livide et oblique. Affamés de prouesses, les plus briquetés étaient roses, presque pâles. Ils se comprenaient du regard et du bout des lèvres. Leurs yeux battus et cernés brasillaient pourtant comme la vague phosphorescente.

Une moitié de soleil spectral et sanguinolent émergeait déjà d’un linceul violâtre, lorsque les paysans perçurent des battues de cavalerie. Un moment le bruit parut se rapprocher, ils se redressèrent sur leurs reins, respirèrent plus librement, poussèrent un soupir de satisfaction. Las de l’expectative et de l’incertitude, ils grillaient même de faire la moitié du chemin et de pousser à la rencontre des éclaireurs.