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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/130

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Gabriel prenne d’eux un soin spécial lorsqu’ils mourront. Il ne sert à rien de combattre contre des faits ; il faut voir où ils aboutissent : c’est ce que j’appelle rationalité. Les hommes les plus instruits et les plus libéraux parmi nous et qui sont attachés à leur religion, demandent que l’on débarrasse notre liturgie de toutes les superfétations, comme complément littéral des prophéties sur la restauration. Élaguons les rites inutiles et les interprétations littérales de ce genre, et notre religion sera la plus simple de toutes les religions ; elle ne sera pas une barrière, mais une union entre nous et le reste du monde.

— Aussi unie que le bois d’une pique, dit Pash avec un éclat de rire ironique. Arrachez-le jusqu’à la racine, enlevez les feuilles et l’écorce, rasez les nœuds et adoucissez-le du haut en bas, mettez-le où vous voudrez, il ne repoussera plus. Vous pourrez en faire un manche ou le jeter sur un feu de décombres. Je ne vois pas pourquoi nos décombres seraient tenus pour plus sacrés que les décombres du brahmanisme ou du bouddhisme.

— Non, Pash, dit Mordecai, tu ne le vois pas parce que tu n’as plus le cœur juif. On a senti le besoin de la communauté avant de l’appeler un bien. Je ne fais pas l’éloge de la superstition, je loue les sources vivantes d’une croyance développée. Qu’est-ce que la croissance, le développement, la perfection ? Tu as commencé par cette question, je l’applique à l’histoire de notre peuple. Je dis que l’effet de notre séparation ne sera pas complet et n’arrivera pas à sa plus haute transformation, à moins que notre race ne reprenne le caractère de la nationalité. C’est le complément de sa mission religieuse qui en a fait un peuple dont la vie a été la moitié de l’inspiration du monde. Que me fait à moi que les dix tribus soient perdues sans avoir laissé de traces, ou que des multitudes d’enfants de Juda se soient mêlées aux Gentils, comme une rivière à d’autres rivières ? Voyez notre