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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/164

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choses, est une indulgence pour la condition des autres juifs. Les gens avec lesquels il vit l’aiment autant qu’il est possible, mais ne comprennent rien à ses idées.

— Fort bien ; je puis m’élever au niveau de la mère Cohen et aimer Mordecai pour ce que je vois de bon en lui ; quant à ses mérites, que je ne connais pas, je m’en rapporte à vous. Selon votre définition, l’on pourrait être fanatique en adorant le sens commun ; car mon mari avait coutume de dire que le monde serait un triste séjour s’il n’y avait que du sens commun. En tous cas, le frère de Mirah aura un bon lit, j’en ai pris soin, et je ferai coller du papier à cette double fenêtre pour empêcher les courants d’air. (L’entretien avait lieu dans le local préparé pour le frère et la sœur). Quand les enfants le sauront nous pourrons enjoliver la chambre.

— La première chose à faire est de tout dire à Mordecai, et de l’amener à changer de résidence, ce qui sera peut-être difficile, dit Deronda.

— Voulez-vous parler à Mirah avant que je fasse part de rien aux enfants ? demanda madame Meyrick. Il hésitait, elle continua : — Non, n’est-ce pas ? Laissez-moi le dire à Hans et à mes filles la veille au soir, et le lendemain, tous seront absents.

— Oui, c’est le mieux. Mais rendez justice à mon jugement sur Mordecai ou plutôt Ezra, car je suppose que Mirah désirera l’appeler ainsi ; n’enflammez pas leur imagination en le comparant à Habakuc Mucklewrath[1], dit Deronda en souriant, car madame Meyrick l’avait quelquefois traité de puritain.

— Fiez-vous à moi, dit la petite mère, je les persuaderai si bien, que je me convertirai moi-même. Quand j’ai peur,

  1. Puritain fanatique, l’un des personnages du roman de Walter Scott, les Puritains d’Écosse (Old Mortality). (Note du trad.)