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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/187

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écrire à Deronda et lui reprocher de lui faire croire le monde faux, méchant, désespéré ; à lui elle aurait osé manifester la plus amère indignation de son cœur. Non ! elle irait chez Mirah ! Cette résolution, qui était la plus pratique, devint sur-le-champ impérieuse. Peu importait ce qui en résulterait. Elle avait le prétexte de demander à Mirah de venir chanter chez elle le 4 : mais que dirait-elle ensuite ? Elle ne le prévoyait pas, elle ne pouvait attendre jusqu’à ce qu’elle l’eût prévu. Elle sonna pour savoir si M. Grandcourt était sorti. Sur la réponse affirmative, elle ordonna d’atteler et fit sa toilette ; puis, une fois descendue, elle se promena dans son grand salon, sans dire un mot et sans presque se reconnaître au milieu des glaces qui réfléchissaient son image. Son mari apprendrait probablement où elle était allée ; et la punirait d’une façon quelconque, tant pis ! elle ne pouvait rien désirer ni rien craindre ; il lui fallait l’assurance qu’elle ne s’était pas trompée, qu’elle n’avait pas mal placé sa confiance.

Elle connaissait l’adresse de Mirah et s’y rendit dans son splendide équipage, le cœur palpitant, dans l’attente d’une réponse à la question qu’elle ne savait encore comment poser. Elle était insouciante de tout ce qui allait survenir jusqu’à ce qu’elle fût arrivée à une chambre où on l’introduisit et derrière la porte de laquelle elle crut distinguer la voix de Deronda. Elle s’effraya de son agitation ; elle déboutonna ses gants pour pouvoir les boutonner de nouveau ; elle se mordit les lèvres en pensant aux difficultés qu’elle affrontait ; puis la porte s’ouvrit, et Mirah se présenta dans son calme habituel et avec un bon sourire en reconnaissant sa visiteuse. À l’aspect de ce doux visage, Gwendolen éprouva un soulagement complet, et lui rendit son sourire en lui tendant la main : puis elle s’assit, écoutant la voix qui ne cessait de se faire entendre à côté, et sentit revenir son énergie à l’idée que la vérité pouvait