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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/237

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fort en hébreu ! Si Mirah l’ordonnait, je serais capable de m’enfoncer encore plus bas que les racines trilittères. Ce n’est déjà plus une difficulté pour moi que les points soient ici ou là. Mais, tant que son frère vivra, je me doute bien qu’elle ne voudra pas prêter l’oreille à un amoureux, même à celui dont la chevelure ressemble à un troupeau de chèvres sur le mont Giléad, et je me flatte que, sous ce rapport, on pourrait comparer peu de têtes à la mienne. Aussi, je reste avec mon espoir, au milieu des vergers en fleurs,

» Votre dévoué,

 » HANS MEYRICK. »

Quelques mois plus tôt, cette lettre aurait causé de l’irritation à Deronda ; ce roman lui aurait déplu et son malaise n’eût pas été adouci par l’idée du désappointement probable de son ami. Mais, depuis mars, les choses avaient bien changé. Mirah n’était plus dans une situation dépendante vis-à-vis des dames Meyrick, et la position de Deronda avait subi un changement qui venait d’être couronné par la révélation de sa naissance. Ce que Hans appelait son espoir semblait désormais à Daniel une extravagance, et il aurait eu pitié de la souffrance de son ami, s’il avait cru cette souffrance probable. Sa plaisanterie sur Gwendolen allant naviguer sur la Méditerranée avec son mari, lui rappela l’étrange façon dont il l’avait quittée. Mais il y avait dans cette lettre une phrase qui l’inquiéta davantage. Le soupçon de Hans que Mirah dissimulait un sentiment de tristesse n’était pas selon ses désirs, et il chercha à deviner la cause de cette tristesse. Un événement pénible était-il arrivé depuis son départ, ou était-ce seulement la crainte de cet événement ? Quelque chose lui déplaisait-il dans sa nouvelle position ? Mordecai lui aurait-il fait part des espérances qu’il nourrissait sur lui, Deronda, et, avec sa nature de sensitive,