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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/25

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ment il faut que je sorte ! s’écria-t-elle enfin, en allant résolument au grand air et en laissant les autres en arrière.

Grandcourt était déjà dehors, et, quand elle le rejoignit, il lui dit :

— Je me demandais combien de temps encore vous resteriez dans cette damnée cuisine ! Une des libertés qu’il avait prises depuis qu’il était marié, était de se servir des épithètes les plus fortes.

— Il y faisait vraiment trop chaud pour une personne aussi enveloppée de fourrures que je le suis, répondit-elle en se retournant pour voir si le reste de la société les suivait.

Ils traversèrent une cour où la neige se voyait encore en petits îlots sur l’herbe, et en assez grandes masses sur les murailles crénelées, et ils arrivèrent dans le chœur depuis longtemps transformé en écuries. Dans cette belle journée d’hiver, éclairée par un pâle soleil, le cloître conservait l’aspect de son antique solennité et les yeux se reposaient avec plaisir sur un tableau vraiment pittoresque. Toutes les chapelles aux fines arcades avaient été changées en stalles, et à travers les vitraux poudreux, le jour venait frapper les murs qui portaient encore des vestiges de cramoisi, d’orange, de bleu et de violet ; le reste du chœur avait été saccagé, le sol nivelé, pavé et drainé. Une douce lumière tombait des fenêtres du haut sur les hanches et sur les croupes des chevaux, dont les naseaux mobiles dénotaient la vigueur ; sur le foin qui pendait hors des râteliers, tribunes d’où autrefois les moines regardaient l’autel ; sur un petit épagneul blanc et feu qui avait fait son lit à côté d’une vieille jument, et sur quatre vieux anges, ayant encore des postures dévotes comme des martyrs mutilés.

— Oh ! c’est magnifique ! s’écria Gwendolen ; seulement il faudrait un cheval dans chacun des box. Je préfère dix fois ces écuries à celles de Ryelands.