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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/305

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amis. Il disait : « Lions-nous par le devoir, comme si nous étions fils de la même mère. » Du commencement à la fin, son penchant le porta à fortifier nos âmes par des liens. « Lions l’amour au devoir, disait-il, car le devoir est l’amour de la loi, et la loi est la nature de l’Éternel. » Voilà comment nous nous attachâmes l’un à l’autre ; et, quoique plus tard nous ayons été séparés, le lien n’a jamais été rompu. Quand il mourut, on tenta de le voler ; mais on ne pouvait me le voler à moi. Je sauvai ce qui restait de lui, ce qu’il conservait pour sa postérité. Je lui ai rendu le rejeton qu’on lui avait soustrait. Je vais dire qu’on apporte le coffre.

Kalonymos quitta la chambre pendant quelques minutes et revint suivi d’un employé qui portait le coffre, et qui, après l’avoir posé à terre, défit une enveloppe de cuir et sortit. Ce coffre n’était pas très grand, mais ce qui le rendait pesant, c’étaient les ferrures et les poignées dorées qui l’ornaient. Le bois était magnifiquement entaillé de caractères arabes.

— Voilà le dépôt, dit Kalonymos en reprenant sa place, et voici sa curieuse clef, ajouta-t-il en la tirant d’un petit sachet de cuir. Conservez-la précieusement. J’espère que vous êtes prudent et méthodique.

— J’en aurai le plus grand soin, répondit Daniel en souriant et en mettant la clef dans son portefeuille. Je n’ai jamais rien possédé qui fût pour moi un signe tant chéri d’espoir et d’effort. Je n’oublierai pas que l’effort est venu en partie de vous. Avez-vous le temps de m’en apprendre davantage sur mon grand-père ? Serai-je indiscret en prolongeant ma visite ?

— Restez encore un peu. Dans une heure et dix-huit minutes, je dois partir pour Trieste, dit Kalonymos en consultant sa montre et tout à l’heure mes fils m’attendront. Voulez-vous que je vous les présente, afin qu’ils puissent avoir le