Aller au contenu

Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/315

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faites, complétées par ce que ses sœurs avaient appris d’Anna Gascoigne, l’avaient convaincu que non seulement madame Grandcourt avait une passion pour Deronda, mais que, malgré l’austère retenue de son ami, sa susceptibilité envers elle était le signe d’un amour caché. Ses expériences l’avaient amené à conclure que ce qu’il jugeait probable était vrai.

Il croyait avoir ainsi tiré au clair l’état des affections de Deronda ; mais maintenant les événements qui concouraient à l’union désirable avec madame Grandcourt avaient fait surgir un éclair de révélation chez Mirah, — révélation de sa passion qui le rendit mélancolique à cause d’elle aussi bien qu’à cause de lui-même. Ils marchaient à côté l’un de l’autre sans se parler ; mais, quand ils eurent atteint la demeure de Mirah et que Hans lui eut dit adieu, en lui tendant la main avec un regard contrit, elle répondit à ce regard avec une douceur mélancolique :

— Ne voulez-vous pas venir voir mon frère ?

Hans interpréta cette invitation comme un gage de pardon.

Ils trouvèrent à Mordecai un air singulièrement heureux. Il tenait en main une lettre ; ses yeux brillaient d’un éclat triomphant qui, sur sa face émaciée, donnait l’idée d’une conquête sur la mort qui l’assiégeait. Après l’échange des salutations obligées entre lui et Hans, Mirah passa son bras autour du cou de son frère et regarda la lettre sans trouver le courage de lui demander de qui elle venait, bien qu’elle fût sûre que c’était la cause de sa joie.

— Une lettre de Daniel Deronda, dit Mordecai en répondant au regard interrogateur de sa sœur. Courte ; il dit seulement qu’il compte revenir bientôt. Des obligations imprévues l’ont seules retardé. L’espérance de le revoir est pour moi comme l’arc-en-ciel dans un nuage, fit-il en s’adressant à Hans ; et pour vous aussi, ce doit être un bonheur. Car existe-t-il deux amis comme lui ?