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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/362

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occupait, en apparence, une haute position dans la société anglaise.

Ezra ne crut pas devoir taire à Deronda la nouvelle condition imposée à leur existence.

— Je suis devenu calme en le voyant maintenant, dit-il en terminant son récit, et j’essaye de me persuader que la tendresse de ma sœur et la vie paisible que nous menons l’engageront à ne plus succomber à la tentation. J’ai enjoint à Mirah, qui a juré de m’obéir, de ne point lui donner d’argent. Je l’ai convaincue que ce serait le plus sûr moyen de le conduire à sa perte.

Deronda était revenu le troisième jour après l’arrivée de Lapidoth. Les nouveaux vêtements commandés pour lui n’étaient pas encore prêts, et, comme il désirait produire une impression favorable, il ne tint pas à se présenter dans ses habits râpés. Il s’était mis à sa fenêtre pour guetter la sortie de Daniel, et s’étonna de sa jeunesse, dont Mirah ne lui avait rien dit, et qu’il n’aurait pas supposé chez un homme qui s’était pris d’une sérieuse amitié pour le sépulcral Ezra et pour des études qui sentaient le moisi. Il se figura que le vrai motif qui attirait Deronda était un amour ardent pour Mirah. Tant mieux alors ! car cet amour lui promettait plus d’indulgence qu’un simple attachement pour Ezra ; il espérait bien se recommander lui-même au jeune homme et annuler toute prévention défavorable. Lorsque Deronda revint, Lapidoth, tout de neuf habillé et satisfait de sa prestance, était dans la chambre avec Ezra qui considérait comme un devoir de tolérer la présence de son père, malgré le dégoût invincible qu’il ressentait pour lui. Daniel se montra froid et réservé ; la vue de cet homme qui avait flétri la vie de sa femme et influé d’une façon si désastreuse sur celle de ses proches, lui inspirait une répulsion qui allait jusqu’au malaise physique. Mais Lapidoth ne se découragea pas ; il