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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/364

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fatigué et contrarié. Il tenait sa palette et ses pinceaux et s’était mis debout devant son chevalet. Après qu’ils eurent échangé une poignée de main, Daniel dit :

— Vous n’avez pas l’air d’un homme qui revient de la campagne, mon vieux camarade. Est-ce à Cambridge que vous êtes allé ?

— Non, répondit Hans en déposant ses ustensiles de peinture ; j’ai été fumer de l’opium. J’en avais toujours l’idée, car je voulais savoir quelle béatitude produisent ces vapeurs ; or, me trouvant précisément sans béatitude, j’ai pensé qu’il était judicieux de profiter de cette occasion. Mais je vous donne ma parole que je ne toucherai plus à cette béatitude. Ma constitution s’y refuse.

— Et pour quel motif êtes-vous allé fumer de l’opium ? lui demanda Deronda. Vous étiez en très bonnes dispositions quand vous m’avez écrit.

— Oh ! rien de bien particulier. Je commençais à trouver le monde fastidieux ! Une maladie du génie sans doute ! et, par le fait, j’étais las de demeurer vertueux sans récompense.

— Rien autre ? Pas de vexation réelle ?

Hans fit de la tête un signe négatif.

— Je venais vous parler de mes affaires, reprit Deronda ; mais il me sera impossible de le faire avec bonne grâce, si vous me cachez les vôtres.

— Je n’ai pas eu d’affaires, répondit Hans, si ce n’est une querelle avec un brocanteur. Et puis, en me parlant pour la première fois de vos affaires, ce n’est, de votre part, que payer une vieille dette.

Daniel était persuadé que Hans agissait superficiellement ; mais il comptait sur un retour de son ancienne franchise après qu’il lui aurait fait ses confidences.

— Vous avez ri, dit-il, vous vous êtes moqué de mon mystérieux voyage en Italie, Hans : c’était pour un objet