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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/43

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que Deronda, qui avait quitté sa chaise pour faire place à d’autres, allait s’asseoir un peu à l’écart. Tout à coup il s’aperçut que, profitant de la dispersion des groupes, Gwendolen s’était soustraite aux attentions de M. Vandernoodt en s’approchant du piano, où elle faisait semblant d’examiner la musique posée sur le pupitre.

On ne sera pas surpris que Deronda ait conclu qu’elle désirait aller à lui. Peut-être voulait-elle faire amende honorable pour le ton de résistance désagréable qu’elle avait mise dans ses réponses aux recommandations qu’il venait de demander pour Mirah, car il avait remarqué que son premier mouvement la poussait à dire une chose qu’elle tenait ensuite à rétracter. Il alla donc se mettre à côté d’elle, et lui dit :

— Êtes-vous réconciliée avec la musique, et regardez-vous ce que vous voulez jouer ou chanter ?

— Je ne regarde rien, mais je suis réconciliée, dit-elle sur un ton de soumission.

— Puis-je connaître votre raison ?

— J’aimerais à entendre miss Lapidoth et à prendre des leçons avec elle, puisque vous l’admirez tant, c’est-à-dire quand nous serons à Londres. Je veux avoir ses leçons pour me réjouir de son excellence et de mon insuffisance, dit-elle en souriant avec douceur.

— Je serais vraiment heureux pour vous que vous consentiez à la voir et à l’entendre, répondit Deronda en lui rendant son sourire.

— Est-elle aussi parfaite en tout qu’en musique ?

— Je ne saurais vous répondre exactement, ne la connaissant pas assez ; mais ce que j’ai vu ne me fait pas désirer qu’elle soit autrement qu’elle n’est. Elle a passé une existence bien malheureuse. Ses peines ont commencé dès son enfance et elle a grandi au milieu d’un entourage insupportable. Je suis certain que vous direz que nul avan-