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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/56

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Surpris, il se leva en sursaut, se retourna et repoussa sa chaise.

— Ai-je eu tort d’entrer ? demanda Gwendolen.

— Je vous croyais en promenade.

— Je suis revenue.

— Ne voulez-vous pas y retourner ? Je puis y prendre part maintenant et vous accompagner, si vous voulez le permettre.

— Non ; j’ai besoin de vous dire quelque chose et je ne puis demeurer longtemps, répondit-elle en parlant vite et bas. Elle s’avança et appuya ses bras et son manchon sur le dos de la chaise que Deronda venait de quitter. — Je veux vous dire que je ne puis m’empêcher d’éprouver du remords pour avoir offensé autrui. C’est ce que je pensais quand je vous disais que j’avais fait pire que de rejouer et de rengager le collier… et je n’y puis rien changer !… Je suis punie et je ne vois pas la possibilité de remédier à rien. Vous m’avez conseillé de faire bien des choses ; dites-le-moi encore : que feriez-vous à ma place ?

Sa volubilité de langage, l’absence de ses petites manières, comme si elle ne s’inquiétait que d’utiliser le temps pour obtenir une réponse qui pût la guider, rendaient son appel particulièrement touchant. Deronda répondit.

— Je sentirais ce que vous devez éprouver : une profonde douleur.

— Mais que tâcheriez-vous de faire ? demanda-t-elle avec une vivacité extraordinaire.

— J’arrangerais ma vie de façon à pouvoir réparer autant que possible le mal que j’aurais fait et je m’étudierais à n’en plus commettre.

— Mais je ne peux pas, je ne peux pas ; il faut que je continue, reprit-elle d’un ton désespéré ! J’ai chassé les autres, j’ai fait mon gain de leur perte, et il faut que je continue, je ne puis rien y changer !

Il était impossible de répondre instantanément. Les