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Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/15

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s’efforçait de dissimuler l’ombre de bouderie qui perçait sur sa figure. À son grand soulagement, les yeux de Dorothée brillaient de gaieté quand elle les leva de son ouvrage.

— Quel merveilleux petit almanach tu fais, Célia ! Sont-ce six mois du calendrier ou six mois lunaires ?

— Nous sommes aujourd’hui au dernier septembre et mon oncle te les a donnés le 1er avril ; tu sais bien qu’il a dit les avoir oubliés jusque-là, et je crois que tu ne les as pas seulement regardés depuis que tu les as serrés dans ce meuble.

— Eh bien, quoi ! chérie, ne sais-tu pas que nous ne les porterons jamais ?

Dorothée parlait d’un ton tout à fait amical, à la fois caressant et précis, sans cesser de crayonner.

Célia rougit et prit un air sérieux.

— Il me semble, ma chère, que nous manquons au respect dû au souvenir de maman en mettant de côté ses bijoux si légèrement. Et, ajouta-t-elle avec une certaine hésitation et un sanglot contenu de mortification, les colliers sont d’un usage tout à fait répandu à présent, et madame Poinçon, qui était plus stricte que toi en bien des choses, avait l’habitude de s’en parer, et tous les chrétiens aussi. Je suis sûre qu’il y a au ciel des femmes qui portaient des bijoux.

Ce n’était pas sans effort que Célia s’appliquait à trouver ces arguments.

— Tu aimerais à les porter ! s’écria Dorothée, un air de profonde surprise animant aussitôt tout son être, et avec un mouvement dramatique emprunté à cette même madame Poinçon, qui portait des bijoux. Oh ! mais alors nous allons les regarder. Pourquoi ne me l’as-tu pas dit plus tôt ? Mais les clefs ! Oh les clefs ! Elle se pressa la tête de ses deux mains semblant désespérer de sa mémoire.

— Les voici, dit Célia qui avait depuis longtemps prévu et médité cette explication.