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Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/170

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grand soulagement, fut congédié, avec injonction de revenir bientôt.

Il ne lui tardait pas seulement de se débarrasser de son oncle, mais aussi d’aller trouver Mary Garth. Elle était assise à sa place ordinaire, près du foyer, un ouvrage de couture entre les mains et un livre ouvert sur la petite table à côté d’elle. Ses yeux n’étaient plus rouges et elle semblait avoir recouvré tout son empire sur elle-même.

— M’a-t-on demandée là-haut ? dit-elle se levant à moitié lorsque Fred entra.

— Non, on m’a congédié parce que Simmons est monté.

Mary se rassit et reprit son ouvrage. Elle le traitait certainement avec plus de froideur que de coutume. Elle ne savait pas combien tout à l’heure l’affection de Fred s’était indignée pour elle.

— Resterais-je un instant, Mary ? je ne vous gêne point ?

— Asseyez-vous, je vous prie. Vous me gênerez moins que M. John Waule qui était ici hier, et il s’est assis sans m’en demander la permission.

— Pauvre garçon ! Je le croîs amoureux de vous.

— Je ne m’en suis pas aperçue. C’est une des choses les plus insupportables pour une jeune fille, qu’il faille toujours supposer quelque histoire d’amour, si un homme se montre aimable avec elle et qu’elle lui en soit reconnaissante. Je pensais être, pour ma part, à l’abri de tout cela. Comment aurais-je la stupide vanité de croire que tous ceux qui m’approchent sont amoureux de moi ?

Malgré elle, sa voix devint tremblante et amère en achevant ces mots.

— Le diable emporte John Waule ! Je ne voulais pas vous fâcher. Je ne savais pas que vous eussiez aucune raison de lui être reconnaissante. J’oubliais le grand service que c’est à vos yeux, de moucher seulement une chandelle pour vous.