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Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/296

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procurer davantage, et que le billet de cent soixante livres lui serait présenté dans cinq jours. S’il s’était adressé à son père en vue de préserver M. Garth de toute perte, Fred sentait d’une façon poignante que son père eût refusé avec colère de sauver M. Garth des conséquences qu’il s’était attirées lui-même, en encourageant ce qu’il appellerait l’extravagance et les impostures de son fils. Il était si complètement à bas qu’il ne pouvait imaginer d’autre ressource que d’aller tout droit trouver M. Garth, et lui raconter la triste vérité, en lui apportant les cinquante livres, de façon à mettre au moins cette somme à l’abri de ses propres mains. Son père étant à sa maison de commerce ne savait rien encore de l’incident : quand il l’apprendrait, il ne manquerait pas de tempêter contre l’introduction d’une bête vicieuse dans son écurie, et, avant d’affronter cet ennui secondaire, Fred voulait aller, avec tout son courage, au-devant du principal. Il prit le cheval de son père, décidé, après avoir tout dit M. Garth, à aller à Stone Court faire sa confession à Mary. En réalité, il est probable que, sans Mary et son amour pour elle, la conscience de Fred eût été beaucoup plus tiède à lui reprocher sa dette, et ne l’eût pas sollicité de remplir, sans ménagement et avec toute la droiture et la simplicité possible, un devoir désagréable.

M. Garth n’était pas à son bureau, et Fred se dirigea vers son habitation, située un peu en dehors de la ville ; une bonne vieille maison avec un verger sur le devant, une antique et mystérieuse bâtisse à moitié inachevée, qui avait été une ferme avant l’extension de la ville jusque-là, et qu’entouraient maintenant des jardins particuliers.

La famille Garth, qui était passablement nombreuse (car Mary avait quatre frères et une sœur), aimait profondément cette vieille maison, qui avait vu vendre depuis longtemps la plus belle partie de son mobilier. Fred aussi l’aimait ; il la connaissait par cœur, jusqu’à la mansarde du grenier qui