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Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/362

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CHAPITRE IX


Lydgate, ce soir-là, parla de mistress Casaubon à miss Vincy, et appuya avec une certaine énergie sur le sentiment profond qu’elle paraissait avoir pour cet homme solennel, absorbé par l’étude et de trente ans plus vieux qu’elle.

— Elle est dévouée à son mari, c’est naturel, répondit Rosemonde, faisant voir par là que le dévouement était, pour elle, une conséquence nécessaire du mariage ; et cette idée parut à l’homme de science la plus jolie qu’une femme pût exprimer ; mais Rosemonde, pendant ce temps, songeait que ce n’était pas chose si mélancolique d’être châtelaine de Lowick, avec un mari menacé sans doute d’une mort prochaine… La trouvez-vous très jolie ?

— Elle est certainement belle ; mais je n’y ai jamais pensé, dit Lydgate.

— Ce serait, je suppose, contraire à votre profession, dit Rosemonde, dont le sourire laissa voir ses fossettes. Mais comme votre clientèle s’étend ! L’autre jour vous avez été appelé chez les Chettam, maintenant chez les Casaubon.

— Oui ! Mais, en vérité, j’aime moins à soigner ces malades-là que les pauvres gens. Il y a moins de variété dans les cas ; il faut supporter de leur part bien plus d’embarras, et écouter respectueusement débiter des sottises.

— Pas plus qu’à Middlemarch, dit Rosemonde. Et là au moins vous traversez de vastes galeries, et vous respirez partout un parfum de roses.

— Vous dites vrai, mademoiselle de Montmorency, fit Lydgate, inclinant la tête vers la table, et soulevant du quatrième doigt le délicat mouchoir qui sortait du ridicule