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Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/384

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n’aurait rien à dire, lui Trumbull, sinon qu’il ne l’avait jamais flatté, qu’il l’avait simplement conseillé de son mieux dans la mesure de son expérience, une expérience qui s’appuyait sur plus de vingt années de pratique. Son admiration, loin de se concentrer uniquement sur lui-même, s’était habituée, tant dans l’exercice de sa profession que dans la vie privée, à estimer volontiers toutes choses à une haute valeur. Il était amateur de belles phrases et ne se servait jamais d’un langage commun sans se reprendre aussitôt ; il avait le débit élevé, aimait à prédominer, se promenait ou se tenait debout la plupart du temps, tirant son gilet par le bas ou le rajustant rapidement de l’index, de l’air d’un homme qui tient fortement à son opinion, et, pour compléter chacune de ces opérations de toilette, ne manquant jamais de jouer vigoureusement avec les volumineux cachets de sa chaîne de montre. Il y avait parfois une certaine férocité dans son maintien ; mais cela tenait surtout aux opinions erronées dont tant de gens sont imbus qu’ils mettent à une rude épreuve la patience d’un commissaire-priseur d’un peu d’instruction et d’expérience. Homme du monde et homme public, c’était en un mot un homme honorable, ne rougissant pas de sa profession, et convaincu que le célèbre Peel (aujourd’hui sir Robert), s’il lui était présenté, ne pourrait mettre en doute son importance.

— Je ne craindrais pas une tranche de ce jambon et un verre de cette ale, miss Garth, si vous voulez bien me le permettre, dit-il en entrant au parloir à onze heures et demie, après avoir eu le privilège exceptionnel de voir le vieux Featherstone, et en venant se placer le dos à la cheminée entre mistress Waule et Salomon. Il n’est pas nécessaire que vous vous dérangiez pour cela, je vais sonner.

— Pardon, dit Mary, j’ai un ordre à donner.

— Eh bien, monsieur Trumbull, vous êtes hautement favorisé, dit mistress Waule.