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Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/454

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il a demandé à M. Ladislaw de rester dans le pays et de se charger de la direction de ce journal, tout en l’aidant encore dans d’autres travaux.

Dorothée regardait son mari, tout en parlant ; mais il s’était contenté de cligner les yeux, puis de les refermer comme pour leur épargner la lumière, tandis que ses lèvres se contractaient.

— Qu’en pensez-vous ? demanda-t-elle un peu timidement après une courte pause.

— M. Ladislaw est-il venu exprès pour me demander mon avis ? dit M. Casaubon, jetant sur Dorothée de ses yeux entr’ouverts un regard tranchant comme une lame de couteau. Elle était en réalité assez mal à l’aise pour répondre à sa question, mais elle n’en devint qu’un peu plus grave, et ses yeux ne se détournèrent pas.

— Non, il ne m’a pas dit qu’il vînt pour vous demander votre avis. Mais, en me parlant de cette proposition, il pensait naturellement que je vous en informerais.

M. Casaubon garda le silence.

— Je craignais que vous n’y vissiez quelque objection. Mais un jeune homme d’autant de talent serait certainement très utile à mon oncle, il pourrait l’aider à faire du bien avec plus de fruit. M. Ladislaw, de son côté, désire arriver à une occupation fixe. On lui a toujours reproché, dit-il, de ne pas chercher d’emploi de ce genre, et il aimerait à rester dans ces environs parce qu’ailleurs personne ne se soucie de lui.

Dorothée sentait que cette dernière considération était faite pour adoucir son mari. Toujours est-il qu’il ne répondit pas, et elle en revint aussitôt au docteur Spanning et au déjeuner de l’archidiacre. Mais la brillante lumière qui tout l’heure avait illuminé ces sujets ne reparut pas.

Le lendemain matin, à l’insu de Dorothée, M. Casaubon fit partir la lettre suivante :