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Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/491

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— Viendra-t-on le chercher, maman ? demanda Letty, pensant au maire et aux corporations dans leurs robes de cérémonie.

Mistress Garth caressa la tête de Letty et sourit ; mais voyant que son mari rassemblait ses lettres et allait se retirer dans le sanctuaire des « affaires » elle lui pressa l’épaule et dit énergiquement :

— N’oubliez pas, maintenant, de demander du bons appointements, Caleb ?

— Oh ! oui, dit Caleb d’une voix profonde et convaincue, comme s’il eût été déraisonnable de supposer autre chose de sa part. Cela fera entre quatre et cinq cents livres tout ensemble.

Puis, avec un léger tressaillement comme se rappelant soudain quelque chose, il ajouta :

— Mary, écrivez que vous renoncez à cette pension. Vous resterez pour aider votre mère. Je suis heureux comme Polichinelle d’y penser.

Il n’y avait pourtant rien de comparable entre la conduite de Polichinelle triomphant et celle de Caleb ; mais bien qu’il fût très difficile pour sa correspondance et considérât sa femme comme un trésor de correction grammaticale, son mérite ne consistait pas à faire de belles phrases. Il se fit alors une espèce de tumulte parmi les enfants, et Mary élevait en suppliant du côté de sa mère sa guipure de batiste afin de la mettre hors d’atteinte, tandis que les garçons l’entraînaient avec eux dans une danse échevelée. Mistress Garth, calme dans sa joie, se mit à ranger les tasses et les assiettes, Caleb, éloignant sa chaise de la table comme pour aller gagner son pupitre, restait assis, ses lettres dans une main, regardant à terre d’un air de méditation, et étendant les doigts de la main gauche, sorte de langage muet qui lui était particulier.

— Il est mille fois regrettable, dit-il enfin, que Christy